Un modèle économique séculaire désormais institutionnalisé
Depuis une loi en date du 31 juillet 2014, l’économie sociale et solidaire jouit d’une consécration et d’un encadrement juridique. Cette loi la définit ainsi comme «un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine». Cette définition est complétée par trois critères cumulatifs que les structures relevant de l’Économie Sociale et Solidaire doivent remplir.
Il s’agit de :
– la poursuite d’un but autre que le seul partage des bénéfices qui impose aux structures de prioriser les objectifs sociaux tendant vers l’intérêt général ou collectif ;
– une gouvernance démocratique qui exige une participation effective des membres aux prises de décision, et dont le poids n’est pas lié à l’envergure de leurs contributions ou apports financiers (le principe «une personne une voix» et la coopération entre toutes les parties prenantes figurent notamment parmi les bases);
– et la non-lucrativité ou la lucrativité limitée, étant entendu que les profits, bien qu’encouragés, doivent être réinjectés dans le projet pour le pérenniser et garantir les intérêts des salariés et partenaires.
Bien avant cette institutionnalisation de l’ESS, ses concepts fondateurs, à savoir l’économie sociale et plus tard l’économie solidaire, ont alimenté les débats initiés par des courants de pensée militants, parfois jugés utopiques. Les objectifs consistaient alors à contrer les injustices créées par le modèle capitaliste, après la révolution industrielle. Cette époque a vu l’apparition des statuts de coopérative et mutuelle qui figurent désormais parmi les acteurs traditionnels du secteur.
Et si vous souhaitez en savoir plus voici une définition précise de l’économie sociale et solidaire.
Des acteurs de plus en plus diversifiés
L’économie sociale et solidaire regroupe traditionnellement les coopératives, les mutuelles ou unions, les fondations et les associations. Ces structures sont d’ailleurs reconnues par la loi du 31 juillet 2014 comme les principaux acteurs de ce modèle économique qu’elles interviennent dans les domaines de la production, de la transformation, de la distribution ou des services. Le Crédit Mutuel, le groupe BPCE, le groupe Up (dans la catégorie des coopératives), la Croix-Rouge et le groupe SOS (associations) ainsi que la Macif ou Harmonie Mutuelle (mutuelles) figurent parmi les noms français connus du secteur.
Au-delà de ces acteurs classiques, la loi de 2014 a ouvert l’économie sociale et solidaire aux sociétés commerciales. Elles doivent pour cela remplir les trois critères exigés de toutes les structures ESS. En plus, ces sociétés commerciales sont tenues de rechercher une utilité sociale, de réinvestir une partie de leurs profits et de constituer certaines réserves obligatoires.
L’institutionnalisation du modèle économique a également conduit à l’émergence d’acteurs plus politiques. C’est le cas des instances publiques comme les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS), le Conseil national des CRESS (CNCRESS), ESS-France. D’autres instances comme l’Observatoire de l’économie sociale et solidaire, des unions et confédérations ainsi que des laboratoires sont également apparues.
Un impact réel, mais menacé, sur l’économie
Au total et selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de l’ESS, le nombre d’acteurs français œuvrant dans le secteur dépasse les 150 000. L’économie sociale génère ainsi 2,6 millions d’emplois, soit 10 % des emplois du pays et 14 % des emplois dans le secteur privé.
L’approche bénéficie, en outre, d’un certain attrait de la part des Français. Dès 2015 (selon une enquête de ViaVoice et Harmonie Mutuelle), 70 % des personnes interrogées la considéraient comme un modèle économique crédible qui devrait s’appliquer à toutes les entreprises. Plus de la moitié des travailleurs actifs indiquaient vouloir l’intégrer et 45 % des consommateurs affirmaient considérer un label dédié comme décisif pour un achat.
Toutefois, certaines analyses soulignent les difficultés du secteur à dépasser, depuis plusieurs années, le seuil des 10 % du PIB. Parmi les explications, ces analyses pointent notamment du doigt :
– le manque de consistance et de clarté des pouvoirs publics dans leurs engagements, comme en témoignent les changements fréquents de rattachement de ce secteur dans l’organigramme gouvernemental et sa disparition des intitulés des ministères en 2023 ;
– la difficulté d’accès au financement étant donné que les mécanismes existants demeurent taillés pour les entreprises classiques, alors que, par leur nature, ces deux types de structures ne sont pas sur le même d’égalité en matière de garantie de profit ;
– le côté essentiellement superficiel de la gouvernance démocratique au sein de nombreuses entreprises.
L’ascension continue de l’économie sociale et solidaire en tant qu’économie de l’avenir passe ainsi par des changements concrets dans ces domaines.