SMIG : l'ancêtre du SMIC

Le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) est « l’ancêtre » du SMIC actuel. 

Institué en 1950, le SMIG visait à lutter contre la pauvreté et à assurer un niveau de vie décent à tous les salariés. 

ILe SMIG (avec un G) a été remplacé par le SMIC (avec un C) en 1970.

Voici l’histoire du SMIG, son fonctionnement, ses implications légales et économiques, ainsi que les débats et perspectives qui l’entourent.

Le SMIG, c’était quoi  ?

Si vous avez plus de 50 ans, et que vous avez grandi dans les années 70, vous vous souvenez peut-être… Quand nous étions enfants, nos parents, ou nous mêmes d’ailleurs, confondions souvent « SMIG » et « SMIC ». Normal, le changement a eu lieu en 1970 exactement. Et pendant quelques années le mot « SMIG » (avec un G) a continué a être utilisé par beaucoup de françaises et français.

Bon, fin de la sequence nostalgie cinquantenaire, revenons à nos moutons, ou plutôt, à notre SMIG donc…

Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) était un dispositif instauré en France en 1950 pour garantir un salaire plancher à tous les travailleurs, quel que soit leur secteur d’activité. Le SMIG avait pour but de protéger les salariés les plus vulnérables en leur assurant un revenu minimum suffisant pour subvenir à leurs besoins fondamentaux.

Différence entre SMIG et SMIC

La principale différence entre le SMIG et le SMIC réside dans leur mode de calcul. Le SMIG était fixé sans tenir compte de la croissance économique, tandis que le SMIC, introduit en 1970, est ajusté en fonction de l’évolution de l’inflation et de la productivité. Cela permet de maintenir le pouvoir d’achat des salariés et de suivre les dynamiques économiques du pays.

Rôle et importance du SMIG dans le marché du travail

Le SMIG a joué un rôle crucial dans la protection des travailleurs à faible revenu en établissant un seuil minimum de rémunération. Il a contribué à réduire les inégalités salariales et à améliorer les conditions de vie des employés les plus précaires. En imposant un salaire minimum, le SMIG a également encouragé les entreprises à valoriser le travail et à investir dans la productivité de leurs employés.

Avec le passage au SMIC, ces objectifs ont été renforcés, permettant une meilleure adaptation aux réalités économiques et sociales de l’époque. Le SMIC continue aujourd’hui de remplir cette mission de protection et de valorisation des travailleurs en France.

Quel était le montant du SMIG ?

Le montant du SMIG  a bien entendu fortement varié entre 1950 (date de sa création) et 1970 (date de son remplacement par le SMIC).

En 1950, le SMIG était de 64 Anciens Francs (0,12 €) net de l’heure, soit environ 12 800 Anciens Francs net (19,51 €) par mois, pour 48 heures de travail par semaine.

En 1970, le SMIG était de 2,80 F (0,43 € ) net de heure, soit environ 514 F (78,36 €) par mois, pour 40 heures de travail par semaine (+ heures supplémentaires courantes).

 

1950
SMIG horaire brut 78 AF
SMIG horaire net 64 AF
Heures hebdomadaires 48h
Base mensuelle 200h
Heures sup. courantes incluses
Mensuel brut 15 600 AF
Mensuel net 12 800 AF
Taux de charges -18%
Conversion mensuelle nette en € 19,51 €
Conversion horaire nette en € 0,12 €
1960
SMIG horaire brut 1,6 NF (160 AF)
SMIG horaire net 1,31 NF
Heures hebdomadaires 40h
Base mensuelle 173,33h
Heures sup. courantes 34,67h
Mensuel brut 352 NF
Mensuel net 289 NF
Taux de charges -18%
Conversion mensuelle nette en € 44,06 €
Conversion horaire nette en € 0,24 €
1970
SMIG horaire brut 3,50 NF
SMIG horaire net 2,80 NF
Heures hebdomadaires 40h
Base mensuelle 173,33h
Heures sup. courantes 30h
Mensuel brut 643 NF
Mensuel net 514 NF
Taux de charges -20%
Conversion mensuelle nette en € 78,36 €
Conversion horaire nette en € 0,43 €

Contexte historique et politique de la création du SMIG (1950)

La création du SMIG s’inscrit dans le contexte particulier de l’après-guerre, marqué par la reconstruction et les grandes réformes sociales. Le gouvernement de René Pleven, soutenu par une coalition centriste, fait adopter la loi du 11 février 1950 qui instaure le SMIG. Cette loi s’inscrit dans un ensemble plus large de mesures visant à moderniser les relations sociales, notamment avec le retour à la libre négociation des salaires après la période du contrôle étatique des prix et des salaires.

Le SMIG représente alors une innovation majeure : pour la première fois, un salaire minimum légal est institué au niveau national, s’appliquant à l’ensemble des secteurs professionnels. Cette universalité le distingue des précédents dispositifs qui fixaient des minimums par branche ou par région.

Évolution et transformations (1950-1970)

Les premières années : un dispositif contesté

Le SMIG fait initialement l’objet de vives controverses. Le patronat y voit une atteinte à la liberté d’entreprendre, tandis que les syndicats critiquent son mode de calcul jugé trop restrictif. En effet, le SMIG est alors indexé sur un indice des prix limité aux 213 articles de première nécessité, ce qui ne reflète qu’imparfaitement l’évolution du coût de la vie.

Les tensions des années 1960

La période de forte croissance des années 1960 met en lumière les limites du SMIG. Alors que l’économie française connaît une expansion sans précédent (les « Trente Glorieuses »), les salariés au SMIG voient leur pouvoir d’achat stagner. Ce « décrochage » s’explique par le mécanisme d’indexation qui ne prend pas en compte les gains de productivité de l’économie.

Les événements de Mai 68 jouent un rôle catalyseur : les accords de Grenelle conduisent à une augmentation significative du SMIG (+35%) et mettent en évidence la nécessité d’une réforme en profondeur du système.

La transition vers le SMIC (1970)

La création du SMIC par la loi du 2 janvier 1970, sous le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, marque une évolution conceptuelle majeure. Le passage du « G » de « garanti » au « C » de « croissance » traduit la volonté d’associer les salariés les plus modestes aux fruits de l’expansion économique.

Les principales innovations sont :

  • L’indexation automatique sur l’évolution des prix (et non plus sur un panier restreint)
  • La prise en compte de la croissance économique dans les revalorisations
  • L’institution d’une négociation annuelle obligatoire

Impact socio-économique du SMIG

Un outil de lutte contre la pauvreté

Le SMIG a joué un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté laborieuse. Les données montrent une progression constante du nombre de bénéficiaires, passant d’environ 1 million en 1950 à 2 millions en 1970, témoignant de son importance comme filet de sécurité social.

Effets sur l’économie

L’impact du SMIG sur l’économie s’est révélé plus nuancé que ne le craignaient ses détracteurs :

  • La hausse progressive des bas salaires a stimulé la consommation
  • L’effet sur l’emploi est resté limité grâce à la forte croissance économique
  • Le SMIG a encouragé la modernisation des entreprises en les incitant à améliorer leur productivité

Évolution comparative des indicateurs économiques sous le régime du SMIG (1950-1970)

 

Année SMIG horaire brut Équivalent € 2024* Inflation (%) Croissance PIB (%)
1950 78 AF (Anciens Francs) 1,65 € 7,2 8,6
1952 100 AF 1,90 € 11,9 3,1
1954 115 AF 2,15 € 0,5 5,6
1956 126 AF 2,30 € 2,0 5,0
1958 149 AF 2,60 € 15,1 2,7
1960 1,6 NF (Nouveaux Francs) 2,85 € 3,6 7,0
1962 1,8 NF 3,05 € 5,3 6,7
1964 2,0 NF 3,25 € 3,2 6,5
1966 2,1 NF 3,40 € 2,5 5,2
1968 3,0 NF 4,50 € 4,5 4,3
1969 3,27 NF 4,75 € 6,0 7,0
1970 3,50 NF 4,95 € 5,9 5,7

* Les équivalents en euros sont calculés en tenant compte de l'inflation et du pouvoir d'achat. La conversion prend en compte à la fois le changement AF/NF (1 NF = 100 AF) et l'équivalence NF/€ (1 € = 6,55957 F), ajustée selon l'inflation entre la date concernée et 2024.

AF = Anciens Francs (jusqu'en 1959), NF = Nouveaux Francs (à partir de 1960)

Les montants indiqués correspondent au SMIG horaire brut, avant déduction des cotisations sociales. Le SMIG net perçu par les salariés était environ inférieur de 15 à 20% selon les années.

La progression du SMIG n’a pas suivi une évolution linéaire : la période 1950-1967 montre une augmentation relativement modérée (+0,10 à 0,15 NF par an en moyenne), tandis que la période 1968-1970 connaît une accélération spectaculaire (+0,50 NF par an). Cette rupture de rythme témoigne de l’impact décisif des mouvements sociaux sur la politique salariale.

Il est frappant de constater que les années de forte inflation (notamment 1952 et 1958) n’ont pas systématiquement donné lieu à des revalorisations proportionnelles, ce qui explique en partie l’érosion du pouvoir d’achat des smigards. Ce décalage entre inflation et revalorisation est d’ailleurs l’une des principales critiques ayant conduit à la réforme de 1970.

Enfin, la comparaison entre la croissance du PIB et l’évolution du SMIG met en lumière un « décrochage » significatif : alors que l’économie française connaît une croissance moyenne supérieure à 5% sur la période, les revalorisations du SMIG restent en deçà de ce dynamisme économique jusqu’aux événements de 1968. Cette situation illustre les limites d’un système qui ne prenait pas en compte la croissance économique dans ses mécanismes de revalorisation.

Conclusion

En conclusion, le SMIG reste un instrument clé de la politique sociale et économique en France. Bien que remplacé par le SMIC en 1970, le SMIG a jeté les bases d’une protection solide pour les travailleurs à faibles revenus. Les débats sur son évolution et son adaptation aux réalités économiques contemporaines montrent l’importance de ce dispositif dans la lutte contre les inégalités et la promotion de la justice sociale. En garantissant un revenu minimum, le SMIG a contribué à améliorer les conditions de vie des travailleurs les plus précaires et à soutenir l’économie française.