Depuis mars 2023, le barème kilométrique n’a pas bougé d’un millimètre. Pendant ce temps, carburant, réparations et assurance s’envolent. Résultat : salariés et indépendants qui déclarent leurs frais réels roulent à perte, pendant que Bercy fait mine de ne rien voir.

 

Un barème figé depuis 2023

Souvenez-vous : en 2022, face à la flambée des carburants, le gouvernement avait accordé une hausse de 10 %. En 2023, rebelote avec +5,4 %, histoire de donner l’impression que le fisc suivait la réalité du terrain. Et depuis ? Plus rien. 2024 : reconduction. 2025 : pareil. La brochure fiscale de l’année le confirme noir sur blanc, le barème reste identique.

Autrement dit, l’outil censé compenser les frais liés à l’usage professionnel de la voiture n’est plus qu’une photographie jaunie de 2023. Or, entre-temps, les coûts ont continué de grimper, mais la grille officielle, elle, est restée immobile. Un décalage qui s’élargit mois après mois, comme une fissure dans le bitume qu’on refuse de réparer.

 

Pourquoi Bercy refuse de toucher au barème

Officiellement, tout va bien. Le ministère des Finances explique que “les prix des carburants se sont stabilisés”. Stabilisés ? À 1,70 € le litre d’essence et 1,66 € pour le gazole, on parlerait plutôt d’un plateau élevé que d’un retour à la normale. Mais peu importe : cet argument sert de paravent commode.

En réalité, chaque revalorisation du barème coûte cher à l’État. Car elle permet aux contribuables concernés de déduire davantage de frais, ce qui réduit mécaniquement les recettes fiscales. Avec un déficit public qui tangue déjà, Bercy a préféré verrouiller le dossier. Moins d’actualisation, c’est plus d’impôts collectés.

Bref, l’administration ne se contente pas de fermer les yeux : elle fait les poches. Pendant que les automobilistes alignent factures et kilomètres, le fisc s’épargne une rallonge budgétaire.

 

La réalité pour les automobilistes : ça pique de plus en plus

Sur le papier, le gel du barème paraît technique. Dans la vraie vie, il se traduit par un fossé de plus en plus large entre les frais engagés et ce que l’administration accepte de reconnaître. Quelques chiffres suffisent à mesurer l’écart :

  • Entretien : +18 % depuis 2020, avec une main-d’œuvre en hausse continue.

  • Réparations : une facture moyenne passée de 657 € en 2022 à 718 € en 2024.

  • Assurance : envolée régulière, avec des hausses annuelles à deux chiffres pour certains profils.

  • Carburants : certes en léger recul depuis les pics de 2022-2023, mais toujours bien supérieurs aux niveaux d’avant-Covid.

Résultat : ceux qui roulent pour travailler dépensent plus, mais déduisent toujours la même chose. Un décalage grandissant, qui transforme le barème en simple illusion comptable. Sur le terrain, la différence se compte en centaines d’euros perdus chaque année.

Les promesses envolées et le rapport fantôme

En 2022, le gouvernement avait promis une grande réforme : une indexation automatique du barème pour coller aux hausses de coûts réels. Un engagement martelé par Bruno Le Maire lui-même. Trois ans plus tard, cette promesse a pris la poussière des vieilles annonces politiques : jamais appliquée, jamais évoquée à nouveau.

Autre dossier attendu : un rapport au Parlement, censé être remis en mars 2025, pour proposer une refonte du barème intégrant des critères environnementaux. Là encore, silence radio. Aucune publication, aucune explication. Le calendrier a été oublié en route, comme si la question avait cessé d’exister.

Le contraste est saisissant : d’un côté, des contribuables qui alignent des frais de plus en plus lourds ; de l’autre, un État qui empile les promesses non tenues et les dossiers enterrés. À force de reporter, Bercy a transformé la transparence en horizon lointain.

 

Et demain, on change quoi ?

C’est bien là le problème : rien n’est prévu. Pas d’annonce pour 2026, pas de calendrier de révision, pas même une esquisse de débat public. Le gel du barème kilométrique semble voué à durer, reconduit mécaniquement d’année en année, sans explication claire.

Les associations d’usagers et de professionnels alertent régulièrement sur l’écart croissant entre les frais réels et le barème officiel. Mais ces critiques restent lettre morte. Bercy garde le silence, comme si ce sujet ne méritait pas plus d’attention qu’une note de bas de page dans le budget.

 

Charles Hebdon