Je viens d’analyser les dernières nouvelles concernant ArcelorMittal et, franchement, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Le géant de l’acier vient d’annoncer la suppression de 600 emplois en France. Après des années passées à décortiquer les stratégies d’entreprises, je peux vous dire que ce coup-là sent la restructuration opportuniste à plein nez.
La sidérurgie française sous le couperet d’ArcelorMittal
Mercredi 23 avril, le couperet est tombé lors d’un comité social et économique central : ArcelorMittal supprime environ 600 postes en France. Sept sites sont concernés : Dunkerque et Mardyck dans le Nord, Florange en Moselle, Basse-Indre en Loire-Atlantique, Mouzon dans les Ardennes, Desvres dans le Pas-de-Calais et Montataire dans l’Oise.
Sur les sept sites touchés, la répartition devrait être particulièrement douloureuse pour certains territoires. Selon mes informations, 200 à 250 postes pourraient disparaître à Dunkerque, tandis que Florange perdrait entre 120 et 150 emplois. J’ai souvent visité ces bassins industriels lors de mes reportages, et je peux vous assurer que chaque emploi supprimé y représente un drame social considérable.
Les syndicats, eux, parlent de 630 postes menacés au total, répartis entre fonctions support (230) et production (400). Dans tous les cas, c’est un coup dur pour la sidérurgie française qui emploie encore 15 400 salariés chez ArcelorMittal.
Des syndicats entre colère et trahison face aux suppressions
« Scandaleux ! » C’est le mot qui revient systématiquement dans la bouche des représentants syndicaux que j’ai pu contacter. La CFDT et la CGT sont montées au créneau immédiatement. Ce sentiment de trahison s’explique par des mois de discussions apparemment constructives qui se terminent par cette annonce brutale.
« Ça va partir en sucette » m’a confié un délégué syndical, prédisant des mobilisations importantes dans les prochains jours. Lors de mes précédentes enquêtes sur les restructurations industrielles, j’ai rarement vu une telle unanimité dans la colère.
Voici les principales réactions syndicales que j’ai pu recueillir :
- CFDT : « Un véritable coup de poignard dans le dos après des mois de collaboration »
- CGT : « Ce n’est qu’un début, Mittal va surfer sur la crise pour continuer de délocaliser »
- Force Ouvrière : « Des années d’efforts demandés aux salariés pour aboutir à ce résultat »
- CFE-CGC : « Des promesses d’investissements non tenues qui hypothèquent l’avenir »
Le sous-investissement chronique est pointé du doigt par tous mes interlocuteurs. La rage est particulièrement vive concernant les fonctions support qui seront délocalisées en Inde, une décision annoncée dès le 11 février lors d’un comité d’entreprise européen.
La crise du secteur sidérurgique: réalité ou prétexte?
ArcelorMittal invoque « un projet de réorganisation pour faire face à la crise de l’acier ». Le groupe met en avant une baisse de la demande de 20% sur cinq ans et une forte augmentation des importations, qui représentent aujourd’hui 30% du marché européen.
J’ai analysé le secteur sidérurgique européen depuis plus de dix ans, et les chiffres sont effectivement alarmants. Depuis 2008, la production d’acier dans l’Union européenne a chuté de 30%, atteignant son plus bas niveau historique, avec près de 100 000 emplois supprimés selon Worldsteel.
Facteurs de crise | Impact sur la sidérurgie européenne |
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Concurrence chinoise | Acier fortement subventionné inondant le marché |
Prix de l’énergie | Hausse depuis la guerre en Ukraine rendant les sites européens moins compétitifs |
Droits de douane américains | Augmentation de 25% imposée par l’administration Trump |
Sous-investissement | Retard technologique aggravant la perte de compétitivité |
En revanche, je reste sceptique quant à l’argument de la crise comme seule justification. En 2024, ArcelorMittal a réalisé 62,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 1,34 milliard de dollars de bénéfice net. Le groupe a même lancé une nouvelle campagne de rachat d’actions début avril.
L’avenir de la sidérurgie française en question
L’investissement de 1,8 milliard d’euros pour la décarbonation du site de Dunkerque, que l’État français avait proposé de soutenir à hauteur de 850 millions, a été récemment suspendu par ArcelorMittal. Cette décision me semble symptomatique d’une stratégie plus large.
En mars, j’assistais à une conférence où Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dénonçait la « stratégie cynique » du groupe consistant à « laisser l’outil industriel en France et en Europe mourir à petit feu ». Cette analyse rejoint celle de nombreux experts industriels que j’ai pu interviewer ces derniers mois.
Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, a réagi en déclarant que « ces projets de décarbonation doivent participer au maintien de l’emploi ». De son côté, le sénateur du Nord Franck Dhersin a évoqué la possibilité d’une nationalisation si les réponses d’ArcelorMittal concernant les investissements futurs n’étaient pas satisfaisantes.
Après avoir suivi l’évolution du secteur pendant des années, je crains que nous n’assistions qu’au début d’une vague plus large de restructurations. L’exemple récent de ThyssenKrupp (11 000 postes supprimés) en Allemagne et les difficultés de British Steel au Royaume-Uni illustrent la fragilité de la sidérurgie européenne face à la concurrence mondiale.
La question qui me taraude, et que je pose régulièrement à mes sources dans le secteur : peut-on encore sauver l’industrie sidérurgique française sans une politique industrielle européenne ambitieuse et coordonnée? Les réponses que j’obtiens sont rarement optimistes.