En tant que journaliste économique, j’ai toujours été fasciné par les nouveaux métiers émergents. L’influence sur les réseaux sociaux en fait partie, attirant de nombreux aspirants avec ses promesses de gloire et de fortune. Pourtant, la réalité est bien moins reluisante qu’on pourrait le croire. Plongeons ensemble dans les coulisses de ce métier en trompe-l’œil, où le rêve se heurte souvent à une réalité économique peu flatteuse.

La face cachée du métier d’influenceur

Vous pensez peut-être qu’être influenceur, c’est vivre comme un nabab en postant quelques selfies par jour ? Détrompez-vous ! Les chiffres sont sans appel : selon une étude récente de l’agence Rich, seulement 15% des influenceurs estiment qu’ils gagneront plus de 20 000 € bruts en 2024 grâce à leur activité. Autrement dit, la vaste majorité d’entre eux gagne moins que le SMIC annuel, fixé à 21 600 €. Voilà qui dégonfle sérieusement le mythe du créateur de contenu millionnaire !

Mais alors, pourquoi tant de gens se lancent-ils dans cette aventure ? La réponse est simple : l’illusion d’accessibilité. Les réseaux sociaux donnent l’impression que n’importe qui peut émerger et gagner sa vie. C’est en partie vrai, mais c’est loin d’être aussi facile qu’on le croit. Comme me l’a confié un jour Sarah Oudin, une entrepreneure rencontrée lors d’un salon professionnel : « Le plus dur n’est pas de percer, c’est de se maintenir une fois le buzz passé. »

L’iceberg de l’influence : stars vs. nano-influenceurs

Imaginez l’univers des influenceurs comme un immense iceberg. Au sommet, bien visible, on trouve les méga-stars d’Instagram, YouTube ou TikTok. Ces 0,23% d’influenceurs avec plus d’un million d’abonnés sur Instagram captent l’essentiel de l’attention… et des revenus. Mais sous la surface se cache la majorité silencieuse : les nano et micro-influenceurs.

Voici un aperçu de la répartition des influenceurs en France :

Catégorie Nombre d’abonnés Proportion
Méga-influenceurs 1 million + 0,23%
Macro-influenceurs 100k – 1 million ~5%
Micro-influenceurs 10k – 100k ~25%
Nano-influenceurs 5k – 10k ~70%

Cette répartition explique en partie pourquoi 85% des influenceurs gagnent moins que le SMIC. La majorité d’entre eux n’a tout simplement pas assez d’audience pour générer des revenus conséquents. Et pourtant, le nombre de créateurs de contenu ne cesse d’augmenter. En 2024, on compte 145 000 créateurs de contenu en France, soit une légère baisse par rapport au pic de 168 000 atteint en 2022.

Les dessous de la rémunération des influenceurs

Alors, comment gagnent-ils leur vie, ces fameux influenceurs ? Voici les principales sources de revenus :

  • Collaborations commerciales : c’est le nerf de la guerre. Les marques paient pour des posts, des stories ou des vidéos.
  • Rémunération directe des plateformes : YouTube, TikTok ou Snapchat reversent une partie de leurs revenus publicitaires.
  • Produits dérivés : les plus gros influenceurs lancent souvent leur propre marque.
  • Événements et apparitions : conférences, dédicaces, etc.

Les tarifs varient énormément selon la notoriété. Par exemple, un influenceur avec 100 000 abonnés peut espérer toucher environ 1 000 € pour une story Instagram sponsorisée. Mais attention, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Comme me l’a expliqué Julien Morel, un rédacteur freelance spécialisé dans la tech : « Les revenus sont très volatils dans ce milieu. Un mois tu peux gagner 5 000 €, le suivant presque rien. »

Professionnalisation et diversification : les clés du succès

Face à cette précarité, les influenceurs qui réussissent sont ceux qui se professionnalisent et diversifient leurs activités. Je pense notamment à des personnalités comme Squeezie, qui a organisé la course GP Chercher, ou encore Léna Situations, dont le livre s’est vendu à près de 420 000 exemplaires. Ces succès montrent que l’influence peut être un tremplin vers d’autres secteurs.

Mais cette diversification creuse aussi l’écart entre les « gros » et les « petits » influenceurs. D’un côté, on a des entrepreneurs multi-casquettes à la tête de véritables empires médiatiques. De l’autre, des créateurs de contenu qui peinent à joindre les deux bouts. Cette polarisation risque de s’accentuer dans les années à venir.

Pour les débutants, il est donc primordial de voir l’influence comme un accélérateur de carrière plutôt qu’une fin en soi. C’est d’ailleurs ce que font de plus en plus de jeunes professionnels, utilisant leur audience pour booster leur visibilité dans leur secteur d’activité principal.

En définitive, le métier d’influenceur est loin d’être la poule aux œufs d’or que certains imaginent. Il demande du travail, de la persévérance et une bonne dose de chance. Mais pour ceux qui réussissent à tirer leur épingle du jeu, les opportunités sont réelles. À condition, bien sûr, de garder les pieds sur terre et de ne pas se laisser aveugler par les paillettes des réseaux sociaux.